mardi 9 septembre 2008

EDITO

Si j’étais peintre je déverserais beaucoup de rouge,
Beaucoup de jaune sur la fin de ce voyage
Blaise Cendras




Sur la ligne de front est le visage, dérisoire barricade, comme les yeux d’un enfant face à l’énormité du monde. C’est bien le visage, bout de peau et de mémoire pulvérisée, dans sa nudité et sa misère, qui est pourtant convoqué dans la langue pour signifier la position de résistance de l’homme devant ce qui le menace : Faire Face, dit-on.

Le visage fait face, saurait-il faire autre chose, lui qui est pure exposition? Mais voilà qu’on l’assignerait aussi à être celui qui s’oppose à la barbarie quotidienne, lui qui est, pourtant, sans armes, sans carapace, tendre comme la chair d’une mangue, comment s’opposerait-il ? Si ce n’est dans son apparition même, épiphanie du regard qui trace une fine ligne dans le sable du temps et dessine le territoire de la dignité avec la corde à sauter d’un boxeur.
Mais à quel prix ?
Encore faut-il que le visage, pour un instant, ferme ses frontières, lui qui, pourtant, est troué de partout, paysage poreux où se mêle l’intérieur du sujet avec l’extérieur du monde. Il faut que le visage se ferme comme un masque, baisse le rideau de fer, qu’il abandonne sa fonction du don et du recevoir et qu’il renonce à être soleil ambulant pour devenir immobile forteresse, comme dans le tableau de Jérome Menou.

Or, pour certains d’entre nous, cet instant n’en finit pas de durer, éternel retour d’une guerre contre un innommable qui les hante : ce sont les chevaliers à la triste figure, Casimodo des hôpitaux psychiatrique, ding-dingue-dong, les nomades des grandes capitales qui poussent leurs fantômes dans un caddie de supermarché, les têtes à claques, à cagibi, les têtes en forme de cailloux, ceux qui ont avalé la clé et se cachent dans le puits.
Eux savent bien ce qu’est faire face jusqu’à en avoir oublié qu’ils avaient un visage, jusqu’à habiter le nom d’un arbre ou d’une étoile, jusqu’à faire oublier à la face des honnêtes gens leur identité remarquable et leur étrangeté légitime.

Désaliéner, cette année, est une invitation à faire du visage la direction mouvante d’une pratique en psychiatrie, qui envisagerait l’autre sans le défigurer, empruntant à l’éthique de certains peintres, le regard pour mains d’œuvres, l’intimité avec les zones de non-connaissance, l’intensité silencieuse de la couleur et l’attention toujours entrouverte sur les proximités lointaines.

Hissez la toile !


Amazir de Goifrec, Boxeur/Frédéric Gramazio Président des Temps Mêlés

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